Les phénomènes météorologiques extrêmes, intensifiés par le changement climatique, soulignent plus que jamais l’urgence d’une collaboration entre les agriculteur·ices, les associations environnementales, les gestionnaires de l’eau et les autorités locales. Water+Land+Schap agit comme un catalyseur de coalitions locales qui unissent leurs forces pour relever ensemble les défis liés à l’agriculture, à l’eau et au paysage. Ce programme gouvernemental soutient la mise en œuvre de projets ancrés dans les territoires, contribuant à la durabilité des ressources en eau, à une eau de qualité, à une agriculture résiliente avec plus de certitude juridique, ainsi qu’à des paysages vivants, riches en biodiversité et capables de faire face aux bouleversements climatiques.

L’étymologie du mot « Flandre » renvoie à une terre entourée d’eau, détrempée, régulièrement inondée. La région était donc traditionnellement perçue comme riche en eau. Depuis des siècles, nous avons aménagé ce paysageet installé desdes digues, des moulins, des barrages et des canaux. Nous l’avons maîtrisé pour pouvoir y vivre, cultiver, produire. Mais au cours des soixante dernières années, cette transformation s’est intensifiée, s’éloignant toujours plus du fonctionnement naturel du cycle de l’eau. Les choix politiques et les politiques d’innovation ont favorisé une agriculture intensive et spécialisée, un maillage dense d’infrastructures et un étalement résidentiel qui a permis à de nombreuses familles de concrétiser le rêve d’une maison individuelle dans un écrin de verdure. Ces décisions ont sans doute contribué à notre prospérité. Mais dans un climat en mutation, leur revers apparaît désormais avec acuité. L’imperméabilisation des sols empêche l’eau de s’infiltrer. Les systèmes de drainage, conçus pour maintenir les champs exploitables plus longtemps, évacuent l’eau infiltrée à un rythme accéléré. Des techniques agricoles hyperefficaces appauvrissent la nourriture disponible pour les oiseaux des champs et des prairies. La disparition des éléments paysagers de petite échelle favorise l’érosion et le lessivage excessif des nutriments du sol. Ce constat met en lumière la vulnérabilité de notre cadre de vie : la gestion des risques d’inondation, les pénuries d’eau, le changement climatique, notre économie et l’aménagement du territoire sont inextricablement liés. 

 

Si nous voulons renforcer notre résilience, la restauration du système physique de l’eau doit devenir une priorité dans le réaménagement de notre paysage. Cette transition offre l’opportunité d’aborder de manière intégrée des enjeux interdépendants : la qualité de l’eau, la quantité disponible et la restauration des écosystèmes. Mais entre l’intention et la mise en œuvre, l’écart reste grand. La politique flamande en matière d’espaces ouverts demeure fortement compartimentée : agriculture et environnement relèvent de champs politiques distincts, tandis que la gestion de l’eau est fragmentée selon la catégorie des cours d’eau. Sur le terrain, les acteurs doivent composer, année après année, avec une accumulation d’objectifs politiques nouveaux, souvent déconnectés les uns des autres — une complexité qui freine leur adhésion. Certes, des investissements importants ont été réalisés ces dernières années : des projets intégrés, de qualité, ont vu le jour, souvent sous l’impulsion du gouvernement flamand. Mais leur portée reste trop limitée et leur rythme trop lent pour constituer une réponse structurelle à l’échelle du territoire flamand tout entier. 

 

L’été sec de 2017 a révélé avec force la nécessité d’un changement de méthode, capable d’insuffler une accélération décisive. Neuf organisations publiques flamandes ont alors décidé de conjuguer leurs objectifs, leurs connaissances et leurs outils au sein de la plateforme Open Ruimte. Aux côtés de l’Agence foncière flamande, de la Société flamande pour l’environnement, du Département de l’environnement, de l’Agence pour l’agriculture et la pêche, de l’Agence Nature et Forêts, de l’Institut de recherche en agriculture, pêche et alimentation, de l’Institut flamand de recherche technologique et du Centre flamand de connaissances sur l’eau, Architecture Workroom Brussels a constitué pour ce programme une équipe unie autour d’un triple enjeu : l’eau, l’agriculture et le paysage. Ainsi est né Water+Land+Schap ! Cette équipe programmatique identifie et soutient des coalitions locales — rassemblant agriculteur·ices, gestionnaires de l’eau, propriétaires fonciers, associations de protection de la nature et autorités locales — prêtes à passer à l’action. En retour, ces coalitions bénéficient d’un accompagnement ciblé et d’un accès direct à la boîte à outils du gouvernement flamand. 

 

Water+Land+Schap expérimente une nouvelle culture de collaboration qui brise les silos entre les secteurs et les niveaux politiques. Les coalitions locales impliquées s’inscrivent dans la vision commune de Water+Land+Schap, tout en conservant la liberté d’adapter et de concrétiser cette vision selon les spécificités de leur territoire. Elles se retrouvent dans un environnement d’apprentissage collectif, qui met en réseau les idées, les expériences et les enseignements issus de chaque coalition. L’accent est résolument mis sur l’action concrète et l’apprentissage par la pratique.  

 

Les premières générations de Water+Land+Schap 

En 2017, l’équipe du programme a lancé un premier appel à projets, qui a suscité pas moins de 40 candidatures. Quatorze coalitions locales ont été sélectionnées pour cette première génération, plaçant au cœur de leur mission la constitution de partenariats intersectoriels et le développement de nouvelles connaissances, à travers une série de projets pilotes. Citons par exemple la gestion collective et extensive des berges du Barbierbeek ou encore les démonstrations de cultures résilientes au climat dans le cadre du projet beek.boer.bodem.. Fortes des enseignements tirés de cette première phase, les coalitions de la deuxième génération ont emprunté deux trajectoires complémentaires. Dans la première, les coalitions testent à petite échelle des innovations systémiques, comme à Ledegem, où un système naturel a été mis en place pour traiter les eaux usées d’un quartier résidentiel. La deuxième mise sur une vision d’ensemble du territoire, à l’image de la plaine sèche-humide de Beverhout : un paysage structuré par des drèves, où les terres publiques d’Oostkamp et de Beernem sont mobilisées pour expérimenter un usage plus résilient et durable de l’espace. À la suite d’un deuxième appel en 2021, ce sont désormais 29 coalitions locales qui sont actives, couvrant 38 % du territoire flamand. Au-delà des réalisations concrètes sur le terrain, la véritable valeur ajoutée de ces premières générations de Water+Land+Schap réside dans la mise en place de coalitions régionales solides, ancrées dans l’espace ouvert, et dans la dynamique de coopération intersectorielle qu’elles incarnent.  

 

Des coalitions Water+Land+Schap résilientes 

Depuis 2017, la Flandre est confrontée à une succession rapide d’épisodes de sécheresse intense et d’inondations pluviales très localisées. La « bombe à eau » de 2021 a marqué un tournant : elle a conduit à la mise en place d’un groupe d’experts chargé de la protection contre les inondations. Dans leur rapport Weerbaar Waterland, ces spécialistes identifient le programme Water+Land+Schap comme le cadre idéal pour des investissements structurels visant à ralentir le ruissellement des eaux pluviales, en restaurant la capacité de rétention naturelle de nos paysages-éponges

 

Mais combien de mesures faudra-t-il encore prendre pour activer pleinement cette fonction d’éponge des sols, essentielle pour faire face au changement climatique ? Le rapport propose de fixer des objectifs en matière de sécurité de l’eau à l’échelle flamande, et de les tester dans un ensemble de bassins-pilotes, afin d’enraciner cette ambition dans des pratiques concrètes. Quatre coalitions locales expérimentées issues du programme Water+Land+Schap précédent se sont attelées à cette tâche pendant un an et demi. Elles ont identifié, dans un processus de cocréation, des objectifs en matière de sécurité de l’eau à partir des défis propres à leur territoire. Ainsi, les zones en amont de l’Yser et de la Lys présentent une capacité d’infiltration bien plus faible que celles de la Gete, du Herk et du Mombeek. Ce phénomène s’explique notamment par la faible profondeur de la nappe phréatique en Flandre occidentale : le sol y agit davantage comme une peau de chamois que comme une véritable éponge. L’ambition des coalitions de ‘Weerbaar Water+Land+Schap’ est de développer une méthodologie évolutive, articulant savoirs locaux, recherche scientifique, recherche par le projet et politiques publiques. Le but : inscrire des objectifsen matière de quantité d’eau dans une vision intégrée du territoire.  

 

 
10 ans de collaboration au programme Water+Land+Schap 

Water+Land+Schap est sans doute l’un des projets les plus déterminants dans le développement d’Architecture Workroom en tant qu’organisation (voir la narrative Opération Espace Ouvert 2.0). Les premières bases du programme ont été posées dès 2013, lorsque nous avons travaillé à l’Open Ruimte Offensief. Depuis plus d’une décennie, nous contribuons à l’architecture du programme Water+Land+Schap sur plusieurs générations – d’abord en étroite collaboration avec l’Agence foncière flamande, puis au sein d’un partenariat élargi. Ce travail s’est déployé à plusieurs niveaux : en formant l’équipe programmatique, en nourrissant les appels à projets par des contenus substantiels et des cadres d’inspiration, en soutenant les coalitions locales dans l’élaboration de démarches plus systémiques, mais aussi en tissant des ponts entre les dynamiques locales et les logiques plus larges des politiques d’aménagement du territoire et des espaces ouverts. À chaque étape, nous avons cherché à tirer des enseignements de l’expérience. Grâce à cette dynamique de co-construction avec de nombreux partenaires, Water+Land+Schap est aujourd’hui reconnu comme un modèle innovant de politique de l’eau. Il constitue également un environnement pionnier — y compris à l’échelle internationale — pour l’expérimentation concrète dans des domaines aussi variés que l’innovation des processus, la recherche sur les sols, le développement de la nature, l’économie agricole, la modélisation hydrologique ou encore l’aménagement du paysage.  

Type: Programme

Année: 2017-...

Partenaires: Agence foncière flamande, Société flamande pour l’environnement, Département de l’environnement,  Agence pour l’agriculture et la pêche, Agence Nature et Forêts, Institut de recherche en agriculture, pêche et alimentation, Institut flamand de recherche technologique et Centre flamand de connaissances sur l’eau