Près d’un siècle après la construction de la gare, Gand-Saint-Pierre et ses abords ont subi ces dix dernières années une transformation radicale en termes d’habitat ainsi que de lieu de travail et de vie. C’est une manière tenter de répondre aux évolutions complexes et aux exigences très diverses de ce 21e siècle.

En collaboration avec l’UGent et la Stadsacademie, Architecture Workroom a été chargé de dresser l’inventaire des dynamiques sociales et spatiales déjà présentes dans le quartier de la gare et dans ses environs, et de voir comment des projets, actions et interventions peuvent à l’avenir mieux s’y rattacher.

Le projet de développement urbain Gand-Saint-Pierre comportait trois volets. D’abord et surtout, il fallait créer un carrefour de mobilité durable tenant compte de la nodalité des différents moyens de transport. En outre, il était essentiel de veiller à créer un quartier dynamique et durable où il fait bon vivre, travailler et habiter, tant pour les résidents, les travailleurs et les navetteurs d’aujourd’hui et de demain. Pour cela, il fallait également donner au domaine public un aspect attrayant, sûr, accessible et cohérent.

Les évolutions sont influencées par les différents défis interconnectés, ce qui génère parfois un champ de tension entre, d’une part, les plans initiaux et les priorités de gestion, et d’autre part, les réalisations finales. Du coup, la volonté de donner une place autant aux fonctions locales que supralocales peut se traduire par une tendance à densifier qui, à long terme, peut avoir un impact sur la viabilité et la formation de collectivités dans le quartier.

Pour harmoniser ces différents défis entre eux, l’étude a pris pour cadre une perspective socio-spatiale qui nous invite à identifier les leviers durables pouvant favoriser la qualité du vivre-ensemble, du travail et du séjour (temporaire) aux abords de la gare. Cela suppose un échange continu de connaissances entre les acteurs qui imaginent les évolutions spatiales et sont concernés par le béton ou la pierre, et ceux qui façonnent les processus socioculturels et se soucient de l’âme ou des « entrailles » de la ville, ou avec la qualité de vie et la cohésion sociale. Cette réunion des connaissances spatiales et sociales est précisément un point important qui nous met au défi non seulement de collecter des informations sur l’impact que le quartier a sur les gens, mais aussi sur l’impact des gens sur le quartier.

C’est pourquoi le processus d’étude s’est concentré sur la manière de générer, croiser et analyser les connaissances entre les chercheurs liés à la faculté de Travail social et Pédagogie sociale, Architecture Workroom Brussels et la Stadsacademie, les étudiants qui, via un encadrement intensif dans les cours et les exercices ont été enrôlés comme talentueux intervenants dans le processus d’étude (environ 280 étudiants dans les 6 pistes de travail liées à la collecte de données « Méthodes d’études interprétatives » et environ 30 étudiants dans l’analyse des données « Pauvreté et participation »), et les très nombreux acteurs urbains qui assument le rôle de réalisateur de ce projet et fournissent les principaux efforts pour mettre au développement urbain de Gand-Saint-Pierre d’aboutir.

Tant lors de la collecte que de l’analyse du matériel d’étude, l’équipe de recherche s’est concentrée sur le sens du lieu d’habitat dans un cadre tridimensionnel. Le domaine étudié dans ce projet a été considéré à la fois comme un espace physicospatial ou construit, social ou partagé, et personnel ou ressenti. Il fut explicitement choisi de partir du quotidien des habitants et des usagers des abords de la gare et de prendre en considération les antécédents et les rapports existants, afin de tendre vers une cocréation du savoir.

Six pistes de travail ont été définies. Après une phase d’étude préliminaire, elles ont été intégrées au programme des étudiants en science pédagogiques et travail social, avec un encadrement intensif de l’équipe de recherche. Ils ont collecté des informations sur la gestion, l’analyse des infrastructures et des fonctions non liées à l’habitat, l’utilisation quotidienne de l’espace public, les chemins et itinéraires empruntés au quotidien pour traverser le quartier, la cohésion sociale et la constitution de collectivités, ainsi que les éventuelles lignes de faille sociales. Pour cela, plusieurs méthodologies ont été adoptées : observation, brèves discussions informelles, questionnaires et interviews semi-structurés, cartes mentales, analyse d’images, et jeux à la mesure des enfants et des jeunes. Deux séances de travail ont ensuite permis de passer de l’analyse à la synthèse, d’une part pour approfondir les approches du projet en termes de contenu, mais aussi pour réunir les connaissances des différentes parties et concrétiser les idées pour le quartier de la gare.

Sur base de l’abondant matériel d’étude, trois champs de tension récurrents et points de départ sociospatiaux orientés vers l’avenir du quartier de la gare ont été dégagés :

(1) la tension entre les dynamiques locales et supralocales ainsi que les opportunités d’échange offertes, (2) la gestion de la présence temporaire et permanente, et la manière dont l’espace public jouxtant un espace fonctionnel peut également être un lieu de spontanéité ou d’appropriation organique, ainsi que (3) l’identification d’autres groupes et endroits, et l’importance d’un « tisserand » sachant déchiffrer les différentes couches de sens et mettre les choses en mouvement.

Le projet de développement urbain doit être un projet de Gand-Saint-Pierre et pour Gand-Saint-Pierre, en veillant aux dynamiques qui lui sont propres, aux rythmes d’évolution, aux dimensions économiques et sociales, ainsi qu’aux ramifications locales et supralocales dans le quartier élargi autour de la gare. Dans ce cadre, nous avons créé une nouvelle série de cartes et de zooms tournés vers l’avenir, qui révèlent le potentiel des relations entre les différents acteurs ainsi que les dynamiques locales. L’important est d’ancrer toujours davantage les missions sociospatiales en établissant un trialogue entre les acteurs qui incarnent les aspects physicospatiaux et réalisent l’espace conçu et construit, les acteurs qui éclairent les dimensions sociales et socioculturelles, et ceux qui façonnent et dirigent l’espace administratif.

Les propositions de changement sociospatial intègrent les recommandations qui ont émergé lors du parcours de recherche et des séminaires, pour intervenir de manière proactive et créer des liens dans les méthodes de travail actuelles, et agir sur les opportunités qui existent mais sont encore sous-exploitées.

Type : Étude 

Année : 2018-2019

Partenaires : Faculté de Travail social et Pédagogie sociale de l’UGent, Stadsacademie

Initiative : Ville de Gand