Si nous voulons changer le système, nous devons comprendre comment il s’articule à sa base

Dans quel contexte faut-il situer la pratique spatiale contemporaine ? Sur le plan politique, nous constatons un fossé de plus en plus large entre les différentes idéologies. Dans Où atterrir ?, Bruno Latour parvient à justifier cet écart en examinant les leçons que nous pouvons tirer du négationnisme climatique actuel (Latour, B., 2017). Il dissèque le retrait de Trump de l’accord de Paris sur le climat comme une réaction au sentiment que la croissance illimitée ne s’inscrit tout simplement pas dans le territoire disponible. La seule réponse – si nous ne sommes pas disposés à ajuster nos réflexions sur la croissance – est alors de nier fermement ce territoire. Mais que pouvons-nous faire pour contrer ce raisonnement « sans fond » ? Latour nous ramène à la Terre. Ce mouvement est basé sur le constat que, dans le contexte actuel, les questions écologiques sont à l’origine de tout. Il ne s’agit pas de choisir entre le côté social ou écologique de l’histoire, nous ne pourrons relever nos défis sociaux que si nous agissons à partir de la source de notre existence : notre sol, notre territoire, notre Terre. Et il est inutile d’idéaliser les choses : ce sol est bien différent de ce qu’il était il y a quelques centaines d’années, les êtres humains (et leurs influences) sont devenus partie intégrante du système. Pour prendre l’exemple le plus évident et le plus littéral : nous pouvons créer des cartes de la composition du sous-sol tel qu’il était il y a une centaine d’années. Mais nous n’avons aucune idée de l’état actuel du sol. Pourquoi cela ? Parce qu’il est impossible de l’extrapoler logiquement selon des principes scientifiques, et que le sol a été influencé et modifié par des interventions humaines irrégulières et difficiles à retracer. L’atlas de l’état actuel de notre territoire, dont nous avons réellement besoin pour prendre des décisions éclairées, n’existe pas encore (ou plutôt : n’existe plus). Ou si nous interprétons les mots de Latour dans un sens un peu plus large : c’est dans l’espace, dans la réalité tangible où toutes les pièces du puzzle s’assemblent, que nous pouvons œuvrer au changement. Les innovations technologiques peuvent nous y aider, mais en fin de compte, la totalité spatiale doit toujours correspondre.